Le jeu de la carte au Bridge

Stratégie et tactique du déclarant :

Lorsque le contrat a été fixé, l'adversaire situé à gauche du déclarant entame, et le mort étale son jeu. Le déclarant a donc l'entière initiative des opérations pour réaliser son contrat. Avant de jouer sa première carte, il doit réfléchir à la stratégie générale qu'il va adopter, c'est-à-dire établir un plan de jeu. Ce plan est différent selon que le contrat est à la Couleur ou à Sans-Atout. Ce plan est aussi différent, selon la distribution de la main du déclarant et de celle du mort : dans certains cas, le déclarant aura intérêt à chercher à faire des levées de coupe (jeux de coupes), dans d'autres cas il aura intérêt à affranchir une couleur et à réaliser le plus grand nombre de levées dans cette couleur (jeux d'affranchissement). Dans d'autres cas, enfin (moins fréquents qu'on ne le pense) il aura intérêt à jouer ses gros honneurs, et à faire des levées « billes en tête » selon l'expression consacrée.

La détermination de cette stratégie suppose que soient élucidées les questions suivantes :

1 - dans un contrat à Sans-Atout, le déclarant doit compter le nombre de levées gagnantes qu'il a dans sa main et dans celle du mort. Par exemple, s'il a, dans une couleur, As, Roi, et que le mort, dans la même couleur, possède la Dame troisième (c'est-à-dire la Dame accompagnée de deux autres cartes), il est certain d'avoir au moins 3 levées gagnantes dans cette couleur.

2 - dans un contrat à la Couleur, il doit compter les levées perdantes par exemple si, dans une couleur, il possède le Roi et une petite carte et si, au mort, il n'y a que deux petites cartes dans la même couleur, il est bien évident que si les adversaires jouent l'As, par exemple, ils feront certainement un pli : il y a donc une levée perdante dans cette couleur.

3 - il doit s'efforcer de reconstituer la force des jeux de ses deux adversaires et éventuellement, leur distribution, en se fondant sur leurs annonces (s'ils ont parlé pendant les enchères) et sur l'entame : nous verrons en effet que la première carte jouée par les flancs a, en principe, une signification précise.

A partir de ces premières considérations, le déclarant peut faire son plan de jeu. Si le contrat est à Sans-Atout, et que le nombre de levées gagnantes correspond aux levées qu'il doit faire, le déroulement du coup est en principe sans problème. Si le nombre de levées gagnantes est inférieur au nombre de levées qui doit être fait, il faut établir un plan de jeu précis, c'est-à-dire une succession de coups permettant de réaliser les levées qui manquent : c'est alors qu'interviennent les considérations tactiques dont nous parlerons bientôt. Dans un contrat à la Couleur, le processus est inverse, puisque le déclarant a compté ses levées perdantes. Il doit donc se demander comment faire pour ne pas perdre plus qu'il ne doit. S'il a demandé, par exemple, 4 Cœurs, il doit perdre au maximum 3 plis : s'il a 4 plis perdants dans son jeu et dans celui du mort, il doit chercher un moyen pour éviter la levée perdante supplémentaire.

Éléments tactiques

Au cours d'un coup, le déclarant (ou les flancs) peuvent être amenés à utiliser certaines combinaisons particulières de jeu permettant de réaliser le plan d'ensemble. Ces combinaisons sont dites tactiques. Parmi les plus répandues citons : l'affranchissement, la défausse, l'impasse, le squeeze. C'est une erreur de croire qu'un coup au bridge se résout toujours de la même manière. A l'époque où le « bridge plafond » était répandu en France, circulait un slogan qui a été la cause de bien des désastres : « bridge veut dire impasse ». Nous verrons plus loin combien une telle affirmation est erronée.

Stratégie et tactique des flancs

Le but des joueurs de flancs est de faire échouer le contrat. Les adversaires du déclarant ignorent mutuellement leurs jeux, et se trouvent donc dans une situation d'infériorité par rapport à lui. Néanmoins, ils ont la possibilité, par le jeu des défausses, comme nous le verrons plus loin, de se renseigner l'un l'autre sur certains aspects de leurs mains. En outre, l'entame a une signification particulière dans un certain nombre de cas (tout spécialement à Sans-Atout). Le jeu des flancs est, dans l'ensemble, calqué sur celui du déclarant (Sud), puisqu'en principe Est et Ouest doivent essayer de faire le contraire de ce qu'attend Sud. Leur stratégie consiste donc à prévoir la stratégie de Sud et à utiliser tous les moyens tactiques pour l'empêcher de se réaliser.

Les adages

Il est des situations qui se répètent fréquemment dans les parties de bridge. Les joueurs s'y sont rapidement habitués et ont établi une ligne générale de jeu par rapport à ces situations. Il en résulte un certain nombre de formules que les débutants entendent souvent prononcer au cours d'une partie de bridge. Il n'est pas mauvais de les examiner rapidement ici.

Tout d'abord, il faut noter que ces formules ne sont pas universellement valables. Une « règle » dans le genre : « en troisième, on met sa plus forte » connaît, certes, de nombreuses exceptions. C'est précisément le charme de certains problèmes de bridge que de ne pouvoir être résolus que par des entorses à ces règles empiriques. Il faut noter aussi qu'avec un peu de réflexion on peut comprendre la portée de ces règles et, par conséquent, juger si l'on doit les respecter ou les enfreindre en fonction des circonstances.

Passons donc en revue les plus célèbres d'entre elles :

1 - « En troisième, on met sa plus forte. » On comprendra cette règle à l'aide de l'exemple suivant :

Contrat à Sans-Atout

Contrat à Sans-Atout : Ouest attaque petit Pique. Est doit mettre sa Dame de Pique, pour faire tomber l'As de Sud.

Nous avons supposé le contrat joué à Sans-Atout. Ouest a entamé d'un petit Pique (désigné par une croix sur le diagramme ci-dessus). Nord fournit, que doit faire Est ? S'il met un petit Pique, Sud prendra du 9, et aura ensuite la possibilité de faire une autre levée à Pique avec l'As, soit au total 2 levées. Par contre, si Est met sa plus forte, c'est-à-dire la Dame de Pique, Sud, pour faire le pli, sera obligé de mettre l'As, et dès lors les quatre autres Piques d'Ouest seront maîtres : Sud n'aura fait qu'une seule levée à Pique. En conséquence, en mettant « sa plus forte » Est à délibérément sacrifié sa Dame pour laisser le champ libre à son partenaire.

2 - << En second, on ne prend pas. » Cette règle est une conséquence de la précédente. Sauf dans des cas particuliers, il est préférable de ne pas forcer en second, afin de laisser l'initiative aux deux autres joueurs.

3 - « Honneur sur honneur. » Cette règle, en contradiction avec la précédente, obéit au même principe que la première. Supposons que la distribution de l'exemple précédent soit légèrement transformée, et que le Valet de se trouve en Nord. Si, pour une raison quelconque, attaque du Valet de Pique, Est, qui joue en second, mettre sa Dame de Pique : il obligera ainsi Sud à jouer son As, et il affranchira les Piques de son partenaire.

4 - Règle concernant le jeu des flancs : « Quand on est à gauche du mort, on attaque dans la faible du mort, quand on est à droite du mort, on attaque dans la forte du mort. » Supposons que le mort soit en Nord. Si c’est à Ouest de jouer, il a intérêt, du moins dans un certain nombre de cas, à jouer dans la forte du mort : ainsi Est, qui jouera en troisième, sera amené à intervenir lorsque le danger principal se sera manifesté. Par contre, si c'est à Est d’attaquer, en jouant dans la faible du mort (lequel sera le dernier à jouer), il permet à son partenaire en Ouest, qui est l’avant-dernier à jouer, de jeter la meilleure carte possible. Le schéma ci-après illustre les deux situations.

Jeu des flancs

Jeu des flancs : 1 - C'est à Ouest de jouer, il a intérêt à jouer Cœur, ce qui met le déclarant dans l'embarras si le mort couvre avec le Roi, Est fera le pli avec l'As. Si le mort couvre avec le Valet, Est fera le pli avec la Dame. 2 - C'est maintenant à Est de jouer. Il a intérêt à jouer Carreau, car, le mort jouant en dernier et n'ayant aucune carte maîtresse à Carreau, son partenaire, en Ouest, jouera son Roi à bon escient. Si Sud laisse passer, en jouant un petit Carreau, il prendra du Roi, si Sud met son As, Ouest jettera un petit Carreau, et pourra faire son Roi ultérieurement.

5 - « On ne doit pas mettre son partenaire en surcoupe. » II peut être séduisant, lorsque l'on sait que son partenaire n’a plus de cartes dans une couleur, de jouer dans cette couleur, afin de le faire couper et de lui permettre de faire un pli. C'est là une arme classique des flancs. Cependant, si le partenaire risque d'être surcoupé, cette tactique se révélera catastrophique.

6 - « Il ne faut pas jouer dans coupe et défausse. » Cette règle s'applique encore au jeu des flancs. Lorsque le déclarant et le mort n'ont plus de cartes dans une couleur, il est bien évident que si Est, par exemple, joue une carte de cette couleur, le jeu du déclarant est simple : il va couper de sa main et défausser une carte du mort, ou bien, inversement, couper du mort et défausser une carte de sa main. Dans les deux cas, il y a eu « coupe et défausse » : par la coupe, le déclarant a gagné le pli, par la défausse, il a amélioré sa position.

La suite avec les ouvertures.

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